Lééboon...
Lippoon...
Amoon na fi...
Yaa ko fékké ?!...
Formule magique soulevant le voile pudique du conte.
La lune éclairait l'assistance sagement assise en demi cercle autour d'un feu sous le baobab centenaire.
..."Cet oiseau cendré venait du Nord. Son chant, troublant, la laissa songeuse...
Qui donc frappait si fort à la porte de son coeur?
Tam tam...
Tam tam trépidant...
Tam tam en son coeur meurtri...
Vertige...
Décrypter le chant de l'oiseau...
Ah si sa Grand-Mère était encore là!
Le chant de certains oiseaux est porteur de message, de présage pour qui sait entendre ce que disent les mannes!
En son for intérieur, une seule certitude: "pour elle seule ce chant qui venait du Nord"...
Fille du désert
Du sable,
Du soleil,
Du sahel,
Pour qui donc ce chant venu de si loin?
Pour qui ce message venu du Nord,
Pays du grand froid?
Songeuse, la jeune fille aux pieds nus
Fille caramel aux cheveux crépus
Arpentait les ruelles étroites de l'Ile aux esclaves...
Un oiseau cendré au vol majestueux avait chanté, rien que pour elle...
Son chant hantait son coeur...
Cauris sur bogolan au détour d'un sentier.
Et que disent donc les mannes?
Jugez en vous même O vous qui assistez ce soir à cette veillée
Lisez et dites moi ce que disent les ancêtres...
......
Un " Wassa" total
Cauris groupés ouverts
Au monde
A la vie
A l'Amour
Une Offrande muette
Un message ont dit les Mannes...
Elle contourna l'Oracle le coeur battant la chamade et poursuivit sa promenade dans les ruelles calmes et dallées de basalte de son Ile
Sa Terre
Son Nid...
Tant de nuits passées à arpenter songeuse ces ruelles baignées d'un halo laiteux, bercée par le chant de l'Atlantique!
Mama Coumba Castel, Fée et Marraine de l'Ile la couvait pour sûr, sous son aile protectrice. Aucune crainte en son coeur dans l'Ile assoupie et déserte...
Son Royaume...
Elle l'arpentait solitaire, respirant cette paix nocturne à pleins poumons
"Ecoutant pousser ses cils
Ses ongles longs"...
Marcher...
Ne rien dire...
Dites, que dire?
Vivre ces moments intenses
S'emplir d'Oubli
Pleurer l'Absence...
Ce soir là, l'Oiseau chanta, faisant tressaillir son coeur éperdu...
Et que disait son chant?
Sirène?!...
Paix, paix répondirent les Ancêtres...
Fille du Sable
Fille de l'Ile aux Esclaves...
Paix dans ton coeur...
Elle emprunta les ruelles de son Refuge éperdue
Sanglotant sans trop savoir pourquoi...
Pourquoi pleures tu Fille d'Afrique?
L'Oiseau cendré chante la Paix
Jamm
Jamm rek
Bul jooy
Paix
Paix en ton coeur...
Elle descendit sur la minuscule plage.
Le sable sculptait ses pieds nus.
Traces
Traces bues
Sucées par l'océan
Traces effacées
Ephémères comme la Vie
Comme l'Amour
Traces de pieds nus sur le sable fin
Traces enfouies
Enfuies
Perdues
Néant
Vanité de la Vie...
Où donc le Messager
Où l'Oiseau chanteur?
Qu'importe...
Le chant vibrait dans son coeur
Qu'importe...
Son coeur revivait...
Attendre...
La vie est actions et attentes.
Attendre dans le silence de l'Absence
Guettant les signes
Décryptant la vie.
Attendre...
Ses tresses dansaient dans le vent nocturne.
Fille de l'Ile aux Esclaves...
Fille du Soleil errant sous la clarté lunaire...
O sèche tes larmes, ce n'est qu'un message de Paix
Un appel
Un long chapelet aux perles multicolores égrenant
Absence
Espérance
Peur
Regrets
Douleur
Nostalgie
Amour
Attente
Et ces mots de danser la valse du temps dans le coeur meurtri de la Fille des Iles aux longues tresses ornées de cauris blancs qui dansaient dans le vent nocturne...
....
Le fil du conte s'égare parfois dans les méandres de la vie... Un rien suffit pour le perdre ou le retrouver: le chant d'un oiseau, un regard, un sourire...