Ecrivain de renommée internationale et journaliste, Boubacar
Boris Diop a publié une bibliographie de très bonne facture, des romans devenus incontournables puisque étudiés, à notre grand bonheur dans les programmes universitaires. Nous citerons
« Les temps de Tamango » parus en 1981, « Les
tambours de la mémoire »1990, « Les traces de la meute »1993, « Le cavalier et
son ombre »1997 et « Murambi, le livre des ossements »2000.
En 2003, les Editions Papyrus Afrique, sis au Sénégal, ont édité Doomi Golo, dernier roman de Boubacar Boris Diop, dont la spécificité est qu’il est écrit en wolof, langue africaine, sénégalaise précisément. Une première !... Et pour un coup d’essai, chapeau Maître !
Pourquoi écrire en wolof ? Des précurseurs ont essayé de donner à nos langues africaines leurs lettres de noblesse. Un challenge dont nous récoltons les premiers fruits, ivres de bonheur mais conscients du fait que le chemin qui reste à parcourir est encore bien long…
Nous rappellerons le mérite de ces hommes là, qui, il y a plus d’un siècle, ont chanté les louanges de Dieu et transmis l’enseignement de son prophète Mohamed en langue wolof. Ils nous ont légué de très belles poésies, saisissantes dans la beauté de leur conception pétries de sagesse africaine et de morale religieuse. Nous citerons, entre autres orfèvres de la langue wolof, Serigne Moussa Ka et son texte « xarnu bi ».
Plus tard, des œuvres naquirent, profanes, modernes…de la littérature. Des écrivains ayant décidé de s’investir, des textes fleurirent : contes, recueils de poésie, pièces de théâtre, anthologies, nouvelles. Nous citerons pêle-mêle des icônes de la littérature wolof : d’abord Pathé Diagne qui a eu le mérite d’écrire une anthologie de classiques français traduits en wolof. Cette anthologie mériterait d’être revisitée et présentée à la jeune génération. J’avoue que j’ai frémis en lisant Walt Whitman, Maïakovski, Senghor… en wolof. Cheikh Aliou Ndaw, quant à lui, est un romancier, un nouvelliste et un poète aux thèmes sociaux. Mame Yunus Dieng est aussi Nouvelliste. Elle a travaillé récemment sur le thème de l’eau pour les enfants en partenariat avec la SDE .Une initiative que j’ai saluée, heureuse de voir le cycle de l’eau, les stations de pompage, et d’épuration… expliqués aux enfants dans leur langue. Le célèbre Professeur Sakir Thiam a aussi ajouté sa pierre à l’édifice. A lui la pureté de la langue, les tournures d’antan, le maniement de la langue à la manière des puristes, le vocabulaire précieux, les proverbes, les maximes, la sagesse africaine, les différents registres de langue… Tout un art d’écrire qui met ses contes à la portée des petits tout en plongeant les adultes dans la philosophie et la réflexion.
Que dire du Professeur Cheikh Anta Diop le monument, la référence ? J’ai l’impression, en revisitant ses écrits, qu’il a vécu deux siècles de vie pleine. Où a-t-il pu trouver l’énergie et le temps matériel pour produire une œuvre aussi colossale ? Nous lui devons une fière chandelle et notre devoir est de porter haut la flamme. Les générations à venir auront besoin de ce legs dont la valeur est inestimable. Je citerai enfin Arame Fall dont la rigueur et les travaux en outils de la langue wolof ont permis aux novices que nous sommes d’avancer à grands pas sur le chemin du progrès.
Un tel héritage est lourd pour la génération qui en reçoit le don tant le challenge est important .Il est de plus en plus évident que les africains ont décidé de reprendre en main les rennes de leur destinée. Ce continent, nous le construirons envers et contre tout.
Boubacar Boris Diop n’a pas su rester insensible à cet aspect du problème. Nos langues doivent être revalorisées. Elles sont tout aussi riches que n’importe qu’elle langue! Nous l’avons démontré. Il faut maintenant une bonne politique pour leur vulgarisation mais aussi un investissement personnel de la part de tous ceux qui ont reçu le don de l’écriture en partage. Ces derniers, dont le talent a été mondialement reconnu, ont LE DEVOIR de mettre en avant cette langue qui est la nôtre en produisant des œuvres de bonne facture dans cette langue. Son séjour au Rwanda été un déclic : l’Afrique meurtrie, les génocides, la Francafrique…Comment se taire ? Il faut parler…Au peuple, dans SA LANGUE… Et il a franchi le pas dans Doomi Golo.
Comment résumer ce roman ? Ngiraan Faye, personnage principal est un vieillard qui, sentant sa mort prochaine, décide d’écrire à son petit fils émigré depuis de longues années au pays des blancs. Sept livres dans lesquels il s’épanche, conseille, rappelle le passé, et explique les causes profondes du chaos que nous vivons. Il en fait aussi une sorte de chronique de la vie courante, relatant les événements, déversant sa colère, son amertume, sur les pages des cahiers qui s’entassent. A sa mort, le fou du village prend la relève. Qu’est ce que la folie ?
Un roman pétri de sagesse africaine qui se lit d’une traite, passionnant de la première à la dernière ligne. Le must ? C’est qu’une fois la dernière page tournée, on y replonge afin de relire certains passages, s’en imprégner, réfléchir à un proverbe, une maxime, une phrase bien tournée et …on n’en sort plus…
LES PETITS DE LA GUENON
VERSION EN LANGUE FRANCAISE DE DOOMI GOLO
Paru aux Editions Philippe Rey (France), le livre est disponible depuis le 20 Aout 2009 en France.
La traduction de ’’Doomi golo’’ a été assurée par l’auteur lui-même.