LES MODIFICATIONS DES POLITIQUES D'EDUCATION
L’impact des initiatives de la société civile revisité
« Comment la société civile a réussi à modifier ou cherche à modifier les politiques d’éducation ? » était le thème de l’atelier sur l’éducation animé par Enda Graf Sahel. C’était lors du Forum Social Mondial, Dakar 2011, tenu du 6 au 11 février dernier à l’Université Cheikh Anta Diop. Au cours de cet atelier modéré par M. Oumar BA, les panélistes dont M. Ablaye NDIAYE, responsable du Groupe Scolaire ’’Les Merveilles’’ de Grand Yoff, Mme Nogeye BA DIOP, représentante du Groupe Scolaire “Doudou et Safi “de Keur Massa, Mme Rokhayatou GUEYE, Coordonnatrice du ’’Daara Aicha Oumoul Mouminie ‘’, M. Momar MBAYE, représentant d’Enda Graf Sahel, M. Aziz NDIAYE, représentant de Coopérative Grand Yoff et Mme Thérèse TOURE, Chargée des Programmes de l’Association Karamba TOURE, ont pu présenter les différentes initiatives dans ce domaine.
Le Sénégal a entrepris depuis deux décennies une grande reforme de son système éducatif, porté par le plan national de l’éducation et de la formation. Malgré les sommes importantes qui sont dépensées pour développer ce secteur (40% du budget national), force est de constater qu’il existe une carence tant au niveau de l’accès, de la qualité que de la gestion de l’éducation. En effet plusieurs pans de ce secteur n’ont pas été pris en compte notamment les écoles coraniques communément appelées les « DAARA » et celui de l’artisanat. Or, il existe un foisonnement d’initiatives dans ces domaines. C’est dans ce cadre que des organisations comme Enda Graf Sahel, interviennent pour les rendre plus visible et crédible en les accompagnant dans un processus de formation d’une part et dans une approche recherche action d’autre part. Ce qui permettra de porter les initiatives plus pertinentes et de faire un plaidoyer au niveau des pouvoirs publics. Ainsi parviendrons-nous à un système éducatif plus global, inclusif et intégré. Profitant du Forum social mondial ténu à Dakar du 6 au 11 février dernier, Enda graf sahel a animé un atelier sur l’éducation dont le thème fut : « Comment la société civile a réussi à modifier ou cherche à modifier les politiques d’éducation ?».
Selon Monsieur Ba modérateur de l’atelier, la logique recherche action formation adoptée par Enda Graf sahel a permis la réalisation de plusieurs initiatives dans le secteur éducatif parmi lesquelles nous avons : celle du groupe scolaire les merveilles de Grand Yoff, du groupe scolaire Doudou et Safi de Keur Massa, de l’école « Daara » Aicha Oumoul fondée sur les valeurs islamiques et sur les vertus morales pour l’éducation des jeunes filles. Une autre initiative ayant une dimension culturelle et traditionnelle avec la circoncision (en quoi ces valeurs vont être récupérées dans le système) et une dernière portée sur l’artisanat. Ces différentes initiatives ont permis de faire un effort de capitalisation dans un projet dénommé « Jang Jup Teki » (apprendre pour réussir dans la droiture). L’atelier sur l’éducation a aussi donnée lieu à la présentation des males scientifiques de l’association Caramba TOURE du Mali pour l’alphabétisation scientifique des enfants.
L’expérience du groupe scolaire « les merveilles », être dans le système classique tout en apprenant un métier !
Parmi les différentes expériences partagées lors de l’atelier, nous avons celle du groupe scolaire « les merveilles » de Grand Yoff. En effet, cet établissement d’enseignement scolaire, selon son responsable, Ablaye Ndiaye, incarne une nouvelle vision de l’école puisqu’il a la particularité d’introduire dans le système classique, un apprentissage aux métiers pratiques que sont la menuiserie et la mécanique. La création de cette école répond à une forte demande de scolarisation, et de grève répétées dans les établissements publics qui constituaient un obstacle à la formation des élèves. D’ou l’idée de mettre en place un point de rattrapage scolaire qui aboutira plu tard à un établissement privé.
Cette école a pour objectif d’apporter un appui à la formation et l’intégration des enfants de la commune de Grand Yoff dans le système éducatif. Introduire l’apprentissage aux métiers pratiques et responsabiliser ces enfants par le biais de programmes socioculturels. L’école dispose pour ce faire de deux systèmes d’enseignements que sont l’élémentaire et le préscolaire. Elle dispose aussi d’un atelier de production et accueille près de 450 élèves.
L'expérience du groupe scolaire « Doudou et Safi », contribuer au droit à l’éducation du « défavorisé »:
La deuxième expérience est celle groupe scolaire « Doudou et Safi » de Keur Massar. La création de cette école répond au besoin d’intégrer les enfants du village de Keur Massar dont la plupart sont issus de familles défavorisées dans le système scolaire. Selon Madame Nogeye Ba Diop, représentante du Groupe Scolaire, « l’objectif de l’école est de mettre en place un système éducatif égalitaire qui prend en compte les besoins sociaux de la localité ».
Les enseignements dispensés concernent essentiellement la maternelle, l’élémentaire et le secondaire. Aussi, l’établissement abrite-t-il un laboratoire de pédagogie et de développement local et une activité parascolaire orientée vers la création de poulailler. L’école accueille actuellement 135 élèves dont 35 en classe de maternelle, 80 au niveau élémentaire et 20 élèves au secondaire.
L'expérience de la coopérative des artisans de Grand Yoff « l’éducation prise en charge par l’initiative communautaire »:
Située à Grand Yoff, la coopérative est née de la volonté des acteurs de cette commune d’apporter une aide aux jeunes et leur permettre de sortir du cycle infernal du chômage. C’est ainsi qu’après l'acquisition d'un terrain, la coopérative a procédée à une mise en place progressive de services collectifs notamment la construction d'un atelier de production et la création d'une mutuelle d'épargne et de crédit des artisans en bois et métal. La formation dispensée dans l'atelier alterne l'enseignement classique et l'apprentissage de la menuiserie, la mécanique (auto, moto), l’électromécanique et l'art ménagé. L’atelier accueil entre 40 et 50 élèves. La mutuelle d'épargne et de crédit, quant à elle, permet d'accompagner et de faciliter l'insertion des artisans grâce à un financement.
L’expérience de l’école “Daara “ Aicha Oumoul Mouminine, « l’éducation des filles par l’instruction aux valeurs religieuse et culturelle »:
Le Daara Aicha Oumoul Mouminine a été crée en octobre 1996 dans un contexte de crise des valeurs illustré par la dépravation des mœurs, la déperdition scolaire plus marquée chez les jeunes filles, l’analphabétisme, l’ignorance des femmes surtout au niveau des préceptes de la religion et l’absence de l’intégration de l’enseignement religieux dans le système formel. « En somme, il existait un réel besoin de retour aux valeurs morales et éthiques qui était exprimé par la population », a indiqué Madame Rokhayatou Gueye, coordonnatrice de cet établissement.
Située dans la commune de Grand Yoff, le Daara a pour objectif de permettre à ses élèves de mémoriser le Saint Coran, d’inculquer aux jeunes filles musulmanes la morale et de donner un enseignement exemplaire et moderne en langue arabe et française. Elle vise également à former des cadres et des leaders musulmanes, afin d’en faire des éducatrices, des épouses, des mères de familles responsables et des actrices de développement. Les formations dispensées vont du préscolaire à l’élémentaire. L’école est passée de 30 élèves en 1996 à 966 élèves avec des résultats satisfaisants au certificat d’étude primaires arabes (177 élèves admis), au CFEE (81 admis) et 78 admis au concours d’entrée en sixième. De plus, depuis sa création, 564 élèves ont pu mémoriser le Saint Coran.
L’expérience de l’association pour la circoncision, l’éducation par un retour aux techniques traditionnelles éducatives
La cinquième expérience présente une dimension culturelle, traditionnelle avec la circoncision et répond à un besoin de retour aux valeurs traditionnelles. Ainsi, l’activité menée par l’association passe par trois paramètres dont la première est la phase préparatoire qui consiste à inculquer à l’enfant certaines valeurs telles que la solidarité, le respect de l’autre, l’entraide, la tolérance, la justice, le patriotisme et le partage des valeurs familiales. La deuxième phase est celle de la circoncision qui est également un moyen de prévention contre le sida démontré par les professionnels de la santé auquel on peut y ajouter les valeurs de bravoure et de courage transmis, en plus de l’initiation au travail communautaire. La troisième phase, est la phase de la restitution. Elle permet de savoir à travers des chants et danses, si l’éducation dispensée a été bien assimilée. Ainsi depuis 6 ans l’association a circoncis près 637 enfants.
Le projet “ Jang Jup Teki “ou apprendre pour réussir dans la droiture
Présenté par Momar Mbaye d’Enda Graf Sahel, le projet “Jang Jup Teki“ répond à une logique de valorisation des initiatives de la société civile en vue de leur articulation avec les politiques publiques. En effet, ce projet s’inscrit dans la dynamique d’Enda Graf Sahel qui est celle d’accompagner les porteurs d’initiatives qui ont besoin d’être renforcés et encadrés. De les initier à la citoyenneté et à une gouvernance démocratique afin qu’ils puissent dialoguer avec l’Etat et construire des politiques publiques plus conviviales.
Le premiers axe du projet vise à recenser, établir une basse nationale et cartographier l’ensemble des organisations de la société ce qui permettra d’avoir une visibilité de l’ensemble des acteurs communautaires. Le second axe permettra la sélection de dix initiatives pertinentes dans les différentes régions du Sénégal qui bénéficieront d’un Fonds d’appui pour la réalisation de ces projets.
L'expérience association Karamba TOURE, « l’éveil de la culture scientifique et technique » :
Présentée par Madame Thérèse Touré, chargée des programmes, l’Association existe depuis 2000 et a été crée à la mémoire de Karamba Touré, un jeune malien partie en France en 1962 la tête pleine de rêves. Et qui de retour, 15 ans plus tard au Mali, a décidé de se mettre au service de sa communauté. L’objectif de cette association est de promouvoir l’idéal de Karamba Touré que sont la science, la culture et la société ; de participer à l’éveil de la culture scientifique et technique comme un outil d’éducation à la citoyenneté ; de contribuer au développement local communal par l’ouverture aux métiers pour la jeunesse rurale, d’œuvrer à la préservation de l’environnement par la filière écotourisme et enfin d’organiser des évènements culturels (forum, atelier, exposition).
L’activité menée est basée sur l’animation de malles scientifiques qui visent à favoriser la curiosité scientifique des jeunes et à traduire la science en langue nationale (bambara) dans les villages afin de faciliter sa compréhension. Ces malles sont composées d’outils d’animations qui portent sur des thèmes tels que : “je mange“ “ je bouge“, “le sang circule dans mon corps“ mais aussi sur d’autres thèmes relatifs à l’eau (l’eau et la terre, l’eau et les hommes, le cycle de l’eau et les dangers liés a l’eau). Une autre partie de l’activité, en l’occurrence, l’alphabétisation aux malles scientifiques, est suivie de la formation aux métiers pour les jeunes ruraux. Ces activités sont touristiques ou agricoles et varient selon le territoire.
En somme l’ensemble des expériences exemplaires présentées ici témoigne de la richesse des initiatives locales qui répondent à la fois aux impératifs de développement et aux besoins des populations. Ces initiatives sont sans aucun doute les plus à même de faire émerger des approches et des outils innovants. Et s’il en est ainsi, c’est parce que jusqu’ ici, les politiques nationales n’ont pas réussi à améliorer les conditions de vie des communautés. Parce qu’une fois mise en oeuvrent, ces politiques se révèlent soit insuffisantes, soit éloignées des besoins des populations voire trop complexes à appliquer. C’est pourquoi, les acteurs locaux par leur proximité avec les populations sont les plus aptes à identifier les besoins, les priorités et à y répondre.
L’approche locale choisit par Enda Graf Sahel apparaît donc plus légitime et plus bénéfiques à travers ces différences expériences présentées dans le cadre de cet atelier sur l’éducation lors du Forum social mondial, Dakar 2011.
Merci au modérateur l'Inspecteur Oumar BA