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19 mai 2010 3 19 /05 /mai /2010 15:19

 

 

 

 

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"… Il faut acclimater tes émotions….. Reviens à toi en douceur…"

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Voilà ce que l’on peut lire sur l’une des nombreuses « tablettes » de l’installation de Jo Ouakam, Jo Raman Jelissa Samb, au 17 de la rue Jules Ferry, angle Mohamed V, comme on dit par ici, sur le Plateau de Dakar, au Sénégal, en ce mois de février 2010.

Le jardin du 17 rue Jules Ferry, « la cour », comme disent certains, est un haut lieu, depuis quatre décennies, de l’art contemporain international.

Les facéties de l’Histoire font qu’on n’y accorde pas l’attention qu’elle mérite.

 

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Comment imaginer, en effet, que se déroule là, au fond d’une petite allée, une geste plastique d’envergure planétaire, puisque les concitoyens même d’Issa, au-delà de la déférence et du respect –mitigé- qu’ils lui témoignent pour leur plus grande part, ne peuvent imaginer que ce « fatras » pourrait faire effet d’oeuvre d’art.

 

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Tout le monde n’apprécie pas ces travaux qui consistent à s’exprimer au travers d’installations, où le pouvoir scénique, la dimension théâtrale ne sont pas absents. Comme Jo Ouakam est aussi un comédien, il aime la scène, le plateau, les entrées et les sorties, la mise en place d’un décor où pourraient  évoluer quelques personnages « en quête d’auteur ».

 

 

 

Pourtant Olivier Céna, critique bien connu de Télérama, s’y était arrêté il y a plus de vingt ans, comme il suffit d’entrebâiller les filets de la Toile pour y trouver, sur notre ami, critiques, regards, articles si nombreux qui tous disent que les artistes, eux, s’émeuvent, ô combien, du travail de leur pair.

 

 

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Le travail d’Issa est secret. C’est sans doute pour cela qu’il ne figure pas aux cimaises connues. Il est secret dans sa genèse même, dans son émergence, sa mise en œuvre.

Il relève, pour une grande part, d’une attitude « chamanique », ou « alchimique », comme on préférera, au sens où Issa intervient sur la matière, dans le temps, sur un long temps. Il transforme, transmute. Le mot est lâché ; il est lourd de sens : la transmutation !

 

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Pour qui observait, en 1980, 1990, 2000, le jardin d’Issa, avec ou sans lui présent dans les lieux, en s’y glissant silencieux, tout demeurait mystère de ces amas dont l’artiste lui-même semblait bouder l’existence.

Tout sommeillait depuis tant d’années, semblait n’être qu’amas de bois, de ferrailles, de détritus, de chutes, de poubelles; ce n’était qu’énigmatiques accumulations au milieu desquelles nous le trouvions, immobile, assis, fumant sa pipe, écoutant imperturbable, sur de petits transistors désuets, les nouvelles du monde.

 

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Combien d’entre nous ne se sont-ils pas interrogés, circonspects : « Mais que fait-il, et pourquoi ? Où va-t-il ainsi ? A quoi cela sert-il ? Qu’est-ce que tout cela ? ».

Jusqu’aux inquiétudes finales : « Cela n’a pas de sens ! ».

Nous étions impatients ; nous avions tort. Car la réponse  aujourd’hui est là, dans l’épanouissement de tout ce travail en une gigantesque installation, aux  dimensions hallucinatoires. C’est sublime et TOTAL, au sens où Antonin, Artaud bien entendu, l’entendait, lui dont la voix éraillée s’inclinerait sans peine aux chemins de notre homme.

 

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Poussière, poussière d’abord, poussière volontaire qu’Issa, qui est un Titan, pourrait bien entendu balayer d’un revers de plume, poussière de la nuit de ces temps anciens dont Issa a si fortement la mémoire.

Poussière qui enveloppe, entoure, protège, où tout « prend sens », comme l’écrit souvent la critique contemporaine, ce sens « caché », sibyllin, qui s’insinue dans les interstices minéraux, végétaux de la cour investie dans ses moindres recoins.

La « prise de sens » se coulant dans la « prise de formes », tout est à sa juste place pour l’apothéose visuelle, colorée, fantomatique, emblématique, symbolique, commémorative dont la cour se fait l’écrin.

Il n’y a plus aucune ambiguïté possible entre les différentes instances du jardin.

 

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Parce qu’Issa a investi aussi l’espace central, au pied de l’arbre tutélaire, d’un réseau fascinant de fils où trébuchent de multiples signes.

Parce que les différentes « niches » de ce qui fut, un temps très court, un restaurant (?), sont habitées, chacune à leur façon, d’une approche spécifique de la matière.

 

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Les autels dérisoires qu’embrasse la poussière, les lambeaux d’existences qui se tendent, les végétaux séchés qu’enduisent les résidus d’un quelconque bûcher, les traces de repas d’une table bancale, les accumulations de livres, les bibliothèques enfouies, oubliées, les signes d’amitiés que déchirent l’absence, les sourires perdus crispés dans le dérisoire de l’argentique, Djibril Diop Mambéty, l’ami à jamais, Khalidou  Sy, le doux sourire enfui, Saïdou Barry, le copain de toujours, tant d’autres qui oscillent aux fils tendus par la gravité, les reliques d’installations anciennes, Pléhanov, 4, 6, les crèches de bois fané, les statuaires défoncées, engagées dans les abîmes de l’oubli, les toiles délabrées qu’ont arrosées tant de plus d’hivernage, les clous rouillés par l’amertume, les couronnes d’épines plantées près de la table basse où délicatement s’inscrivent les messages.

Chaque « stèle «  de la cour est comme une icône maculée de déchets, déchue dans son adoration, entravée dans son élévation vers un requiem muet.

 

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Entrer dans le jardin, à la veille de l’équinoxe de printemps, est un voyage étrange qui rompt brutalement avec le capharnaüm, le tumulte, le vacarme de la rue. Poussée « la porte étroite qui chancelle », c’est le silence d’une respiration suspendue qui s’impose. La déambulation, seulement interrompue du crissement strident des feuilles qui s’écrasent sous les semelles pourtant prudentes, ressemble fort à cette prière murmurée en dévidant un chapelet visionnaire devant chaque station d’un chemin de croix qui n’en finit pas de suinter aux parois délabrées.

 

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Si Christian Boltanski demanda à ce que la Coupole du Grand Palais de Paris ne soit pas chauffée pour y faire battre des cœurs au milieu des amas de fripes, il faut savoir qu’au même moment, dans cette simultanéité si souvent troublante des travaux artistiques, Issa, lui, ne demanda rien, même pas de « passer ».

C’est à nous d’honorer son espace ; c’est à nous de nous incliner devant ce travail de mémoire, dont tous les dakarois de plus de, disons, 20 ans, se devraient de connaître les sources.

C’est à nous de baisser les yeux sur tant de modestie, d’humilité, d’endurance, de force, de courage, de fermeté à transcender les souffrances, les déchirures, les désespoirs.

 

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Il est impossible de prendre la fulgurante installation de Joe Ouakam à la légère. Il y a trop longtemps que trop nombreux sont ceux qui doutent du talent de notre homme, fustigent ses débordements, qui font partie intégrante de son œuvre, lui reprochent trop d’élégance ou de partis pris.

Finalement, dans la ville où j’écris aujourd’hui, beaucoup disent cela aussi de Benjamin Vautier, Ben.

S’ils se connaissaient, ces deux-là, et peut-être se rencontrent-ils dans quelque voyage en astral dont l’homme du jardin dakarois a le secret, sans doute ils s’apprécieraient. Mais Ben serait jaloux, certainement, d’une telle persistance à creuser les sillons des grimoires, à froisser des parchemins déjà usés et surtout de cette phénoménale capacité à rester seul, depuis tant d’années, seul, bien que très entouré, mais seul pour l’éternité.

 

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Le parcours de la cour n’est pas gai, loin s’en faut. On en sort, si l’on arrive encore à rejoindre le trottoir turbulent, troublé, agité, perturbé, déstabilisé. Alors, pour seul bréviaire à apaiser le cœur et l’esprit basculés, reviennent au bord des lèvres sèches, contusionnées par cette descente aux Enfers que l’excellente et ancestrale culture de notre ami ne peut que vouloir mythologiques, reviennent donc les paroles de l’Ecclésiaste, bien évidemment : «… Vanité des vanités, tout n’est que vanité… ».

 

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Sylvette Maurin. Enseignante. Critique en arts visuels.

Nice. France. Mars 2010.  

 

( Merci ma Grande... A très bientôt )

 

 

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L'ASSOCIATION DES AMIS DE LA NATURE DE L'UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR ORGANISE UNE JOURNEE DE L'ENVIRONNEMENT LE MERCREDI 08 JUIN A L'UCAD.

 

PROGRAMME:

- EXPOSITION SUR L'OEUVRE DE MICHEL ADANSON

- CONFERENCE SUR LE THEME: LES PLANTES MEDICINALES, MYTHES, CROYANCES, VERTUS ET MEFAITS.

 

 

 

 

 

L'harmonie et la beauté d'un jardin résident dans la diversité de ses fleurs, couleurs et parfums. De la sorte, la beauté de l'humanité réside dans la diversité de ses peuples, de ses couleurs, de ses langues. Telle est la vision des artisans de la paix, pour qui les différences sont une nécessité de vie.


Cheikh Abdoulaye DIEYE ( International Sufi School)






Love will be a colour
Behind a small door
When heart knocks your soul
In love you may fall

Busard























" Si la poésie n'a pas bouleversé notre vie, c'est qu'elle ne nous est rien. Apaisante et traumatisante, elle doit marquer son signe; autrement, nous n'en avons connu que l'imposture."
Andrée Chédid





' Ecrire, c'est très dur, avec de grandes fenêtres de joie "
Andrée Chédid









" ALLER ME SUFFIT "
René CHAR






Sortie le 5 novembre du dernier livre de Dominique de Villepin: "Le dernier témoin", publié chez Plon.


Né d’une conversation de l’auteur avec le cinéaste Luc Besson, ce conte philosophique rapporte l’histoire du survivant d’un incendie planétaire : un arbre qui prend la parole pour transmettre l’histoire de ce qu’il a connu:

"La Terre a été ravagée par le feu. Tout, désormais, est recouvert de cendres et les rares êtres qui subsistent encore n'ont plus grand-chose d'humain.

Seul indice de la splendeur du monde passé, un arbre règne sur les vestiges d'une ville morte. Il est le dernier témoin de ce qu'a été l'humanité et, au milieu du silence, il prend la parole : dans ce monde perdu, il veut sauver ce qui peut encore l'être, et transmettre leur héritage à ces hommes qui n'en sont plus.

En racontant son incroyable destin - indissociable de l'histoire du monde -, l'arbre va tenter de faire comprendre au peuple de cendres ce qu'est la vie et lui rendre ainsi son humanité."

 

En savoir plus sur la bibliographie de l'écrivain DE VILLEPIN ?

Voir SVP article le concernant.










Mme Marie Louise SOCK vient de créer un blog pour l'entreprise " LES LAURIERS" : Management des écoles _ Conseil _ Formation des enseignants.

Si vous désirez le consulter, cliquez sur le lien ci dessous SVP.

   http://leslaurierscosultance.over-blog.com


                                        







Parution le 20 Aout 2009 du nouveau roman de Boubacar Boris Diop.


'Les Petits de la Guenon" est la version française "Doomi Goolo "  publié en 2003 par les éditions Papurus de Seydou Nourou Ndiaye. La version française est l'oeuvre des éditions Philippe Rey (France)

Vous trouverez dans ce blog trois articles sur l'écrivain Boubacar Boris Diop... Bonne lecture...












UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT LOUIS



 


CENTRE DE RECHERCHES ET DE DOCUMENTATION DU SENEGAL (CRDS)

 

INVITATION

 

 

La Directrice et le personnel du CRDS vous convient à la conférence sur « De l’actualité de la réflexion philosophique », animée par Monsieur Amadou Alpha SY, Ecrivain, professeur de philosophie Conseiller Pédagogique au Pôle de Formation de Saint-Louis.

 

Mercredi 3 juin 2009 à 15h 30

Lycée Ameth FALL

 

 

 

 

 

 Pont FAIDHERBE de Saint Louis


















 









AGENDA LITTERAIRE ET CULTUREL: Festival du conte à Gorée du 10 au 17 Mai

CF. Article

Cf. Programme sur Dakar et Gorée























 Quand le chant de l'oiseau perce dans le silence
Et que pèse sur lui un vide bien réel
Pleure son âme prise à l'étau de l'absence
Recherchant dans les trilles un petit coin de ciel
L'Oiseau
























 SPLEEN...

Parfums capiteux senteurs enivrantes

Images enfouies dans les replis de ma mémoire

Palimpseste

Sur ma table un Christ

Larmes de sang écarlates

Front pâle lèvres exsangues

Attente

Et le temps d’égrener son long chapelet d’ennui

Et le globe de valser

Et moi de tituber d’ivresse

Flirtant avec le vide

Et j’ai crié ton nom

Crié ma peur 

Tandis qu’hurlait l’écho !

 

Dis, sais tu la couleur du vent

Quand souffle le blues ?

LOU




















  " Au plus fort de l'orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C'est l'oiseau inconnu. Il chante avant de s'envoler."
Les Matinaux(1950)_ René Char




















   "Comment vivre sans inconnu devant soi?"
Fureur et Mystères(1948), Le poème pulvérisé_ René Char
















 " Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront."
Les Matinaux(1950)_ René Char



















   Je n'ai pas peur, j'ai seulement le vertige. Il me faut réduire la distance entre l'ennemi et moi. L'affronter horizontalement."
Feuilets d'Hypnos(1946)_ René Char




















"Le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir."
Feuillets d'Hypnos(1946) René Char
















 " C'est bien la pire peine de ne savoir pourquoi, sans amour et sans haine, mon coeur a tant de peine".
Paul Verlaine











 La croisade des enfants

"Pourra t on un jour vivre sur la terre sans colère, sans mépris, sans chercher ailleurs qu'au fond de son coeur la réponse au mystère de la vie? Dans le ventre de l'univers des milliers d'étoiles naissent et meurent à chaque instant où l'homme apprend la guerre à ses enfants."
Jacques Higelin















" Acculmule puis distribue. Sois la partie du miroir de l'univers la plus dense, la plus utile, la moins apparente."
René Char